Victoire historique des grévistes dans l’automobile aux Etats-Unis

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Une grève historique aux Etats-Unis

Le syndicat UAW (United Auto Workers), une des organisations de travailleurs les plus importantes d’Amérique du Nord, qui comme un certain nombre des fédérations de la CGT est affilié à Uni Global Union, a fait plier le puissant secteur de l’industrie automobile des Etats-Unis.

Le poids et l’influence du secteur automobile dans l’économie américaine et mondiale est puissant, faisant passer les aspirations légitimes des travailleurs en second plan.Concurrence exacerbée, compétitivité, gains, rendements, profits sont les principes qui guident le fonctionnement de ces entreprises.

Après des décennies de recul sur le plan social, le combat n’était pas gagné.

Le 15 septembre dernier, le syndicat UAW lance un mouvement d’ ampleur chez les trois grands constructeurs américains – Ford, General Motors et Stellantis (regroupant, notamment, Fiat, Peugeot et Chrysler) . Pour la première fois, une grève simultanée s’organise et va prendre des formes inédites.

“This could be the beginning of the most exciting resurgence of American organized labor power in a century. Or, it could just be a tweet. What happens in the coming months will determine which of those things is the case.”https://t.co/tSVFbrbtiY

— UAW (@UAW) November 12, 2023

En effet, La grève de l’UAW devient vite « progressive ». Toutes les usines ne sont pas à l’arrêt mais chaque échec de négociation va déclencher un débrayage dans un nouveau site. Une façon habile d’économiser les forces et les moyens.

Le syndicat possède de quoi verser à ses 150 000 affiliés 500 dollars par semaine durant toute la durée du conflit, de quoi tenir bon et commencer à soulever un vent de panique chez les actionnaires. Pour l’industrie automobile un arrêt total de la production de dix jours coûterait 5 milliards de dollars, le compte est vite fait.

Un dossier est brûlant.

Avec le mouvement à Hollywood qui dure et d’autres qui couvent, la possibilité d’un effet d’entraînement sur d’autres entreprises et d’autres secteurs de l’économie est réelle.

Margaret Mock, UAW International Secretary-Treasurer and Director of TOP, speaks with BCBS Negotiators on UAW-BCBS Negotiations. pic.twitter.com/sStKr6Acc3

— UAW (@UAW) November 14, 2023

La population soutient, tout comme la présidence américaine.

Si Joe Biden, le Président américain n’a pas réussi à obtenir une majorité au congrès pour ses propositions de réformes du droit du travail et du droit syndical, il voit cependant le bénéfice politique qu’il pourrait tirer d’un mouvement qui met en pleine lumière la bascule saisissante qui a continué de s’opérer dans le partage des richesses produites.

Dans un contexte de forte inflation, les inégalités ont continué de se creuser dans des proportions telles que les foyers de contestation n’ont cessé de se multiplier.

La contestation va particulièrement se cristalliser dans le secteur automobile. L’UAW reproche à l’industrie les écarts dans la redistribution des profits records réalisés après pandémie, alors que dans le même temps les ventes de véhicules se sont envolées.

Ces trois entreprises sont les protagonistes directs de cette tendance : alors que leurs bénéfices totaux au cours de la dernière décennie ont atteint la somme astronomique de 250 milliards de dollars – rien qu’en Amérique du Nord ! – les salaires réels des travailleurs américains de l’automobile ont chuté de 19 % depuis 2008. La coupe était trop pleine.

UAW : une stratégie gagnante

« Une fois de plus, nous avons réussi ce que, voici encore quelques semaines, on nous disait impossible. »

Par ces mots, le président du syndicat UAW, Shawn Fain, a salué une des plus grandes victoires de l’histoire syndicale du pays.

Chaque accord a été conclu sur quatre ans et demi et prévoit, sur cette période, une hausse de 25 % du salaire de base horaire, avec 11% dès la première année.

Concrètement, des hausses de salaire pourront atteindre 67% pour un salaire de départ chez Stellantis sur la période par exemple. Les accords rétablissent aussi des mesures d’ajustements réguliers des salaires au coût de la vie, un objectif majeur pour le syndicat.

Le système de statut à double vitesse mis en place après la crise de 2008 qui permettait d’instaurer des conditions de rémunérations à l’embauche et de progressions de salaires très régressif est fortement atténué sans être complètement éliminé. Des sites qui avaient été fermés vont réouvrir, comme à Detroit.

Le syndicat a même obtenu, dans l’accord avec Stellantis, une extension du droit de faire grève, dans un pays où celui-ci est fortement restreint, avec la possibilité de grève pour contester non seulement les décisions de fermeture d’usines, mais aussi les décisions d’investissement de l’entreprise.

Cela renforce le pouvoir de l’UAW, qui pourra déclencher une grève à l’échelle du groupe pour défendre un site ou contester une décision d’investissement ponctuelle.

Si certaines revendications n’ont toutefois pas abouties, elles marquent ce mouvement. En effet, la demande de passer au 32h hebdomadaire avec maintien du salaire de 40h semaine a été constante tout du long de la grève et se trouve au coeur des objectifs du syndicat pour la prochaine séquence revendicative.

La grève victorieuse dans l’automobile aux USA démontre la centralité « d’un syndicalisme de luttes » que nous soutenons depuis des années !

Toyota (où aucun syndicat n’est présent) s’aligne sur les hausses de salaires concédées par Ford/GM/Chrysler au syndicat UAW par peur que le syndicat s’implante aussi à Toyota.

Quand les ouvriers se mettent en grève, toute la classe ouvrière en profite.

Les hôtesses de l’air et stewards pourraient être les prochains à déclencher une grève massive aux USA. Parmi les 26 000 syndiqués 93% ont voté à 99% en faveur de l’autorisation de la grève pour des meilleurs conditions de travail et salaires.

La victoire est historique, mais dans le pays où le capitalisme est roi, elle reste sans doute plus fragile qu’ailleurs. Les actionnaires et les dirigeants ont perdu une bataille, mais ils ne désarmeront pas.

De nombreux secteurs restent précarisés et la pauvreté dans et hors du travail continue de progresser.

Alors plus que jamais c’est la lutte, et la lutte seule qui ouvrira des perspectives pour les travailleur-ses.