Hommage à Michel GAUTRUCHE

Le 10 janvier 2024, notre camarade Michel GAUTRUCHE nous a quitté à l’âge de 84 ans.
L’Union Locale CGT du Bocage Bressuirais lui rendait hommage lors de la présentation de ses vœux le jeudi 25 janvier.


Comme l’automne et l’hiver appartiennent au cycle des saisons, la mort est une donnée irréductible du rythme de la vie. La disparition de l’être cher, de celui que nous aimons d’amitié et d’affection, nous livre implacablement à l’expérience la plus tragique de notre existence. Le départ d’un proche c’est aussi la mort d’une partie de nous-mêmes. Dans l’instant présent la mort peut être perçue comme un arrachement et une déchirure.

Mais si redoutable soit-elle, la mort n’est pas un anéantissement. Elle ne détruit pas le temps passé avec celui qui n’est plus là, elle n’efface pas les souvenirs, elle ne réduit pas les émotions et les sentiments les plus fortement enracinés dans les événements vécus en commun. C’est le sens même de notre présence ce matin, nous tes camarades de la CGT venus t’accompagner et te rendre hommage avant ton entrée dans ta dernière demeure !

Nous tenons à saluer ta ténacité et ta grande fidélité dans l’engagement syndical qui a marqué dans un premier temps toute la période de ton activité professionnelle, puis dans un second temps toutes les années de ta vie de retraité. Cela représente plus d’un demi-siècle de militantisme !

Malgré les difficultés, les réactions et même les répressions que tu n’as pas manqué de subir, tu n’as jamais renoncé à lutter, à agir collectivement, parce que tu avais la conviction que seule la solidarité des travailleurs exploités est en mesure de créer un mouvement de progrès social et d’améliorer le sort des êtres humains, tant sur leur lieu de travail que dans leur milieu de vie.

Tout est allé très vite et très tôt pour toi. Dès l’année 1968, dans le feu des événements, tu n’as pas hésité à prendre des responsabilités syndicales dans l’entreprise Dunlop où tu travaillais. Et c’est là où tu as compris qu’avant de vouloir déclencher un hypothétique grand soir révolutionnaire, il fallait d’abord défendre les intérêts des salariés au plus près de leurs préoccupations. Combien de fois nous as-tu répété qu’il fallait s’occuper de faire remplacer le carreau cassé dans l’atelier en même temps que de se soucier de la fiche de paie ! Il n’y a pas de petites et de grandes revendications ! Il faut tenir les deux bouts de la chaîne : c’est en reliant le local et le global que les travailleurs peuvent prendre conscience de leurs droits et se mobiliser pour les défendre ! Merci Michel ! Tu savais donner des leçons, mais dans le bon sens du terme…

Fort de toute cette expérience, dans les années 90 tu as été permanent à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie (FTM-CGT) en tant que responsable des conditions de travail dans les entreprises. Tu t’occupais tout particulièrement des stages et tu as fini par acquérir une très grande notoriété dans les syndicats de la métallurgie sur les questions de formation des Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) : plusieurs milliers de militants et de militantes ont été formés par Michel, et avec lui un Collectif Fédéral fut mis en place. Ensuite, tu fus élu membre du Conseil National de l’Union Fédérale Retraités de la métallurgie CGT au 6è congrès en mai 1999 jusqu’au 9è congrès en octobre 2009, mais tu as toujours tenu à rester un militant de terrain et des entreprises pour organiser les retraités.

C’est ainsi que dans les années 2000, après ton installation définitive à Mauléon pour y vivre en famille tes années de retraite, tu as tout naturellement pris de nouveaux engagements au sein de l’Union des Sections de Retraités (l’USR-CGT 79), et pour toi, il allait de soi que cela impliquait une présence active et efficace aux côtés des syndiqués qui avaient décidé de relancer l’Union Locale (l’UL-CGT) du Bocage Bressuirais.

A partir de 2004-2005, tu as largement contribué à rendre l’organisation cégétiste plus audible et plus crédible sur ce territoire du Nord Deux-Sèvres traditionnellement peu enclin à revendiquer et à se mobiliser pour faire avancer les droits des travailleurs et des retraités. Tu as toujours été au coeur de l’action dans les manifs, à la porte des entreprises ou sur les ronds-points pour distribuer des tracts. Tu avais le verbe facile, le sens des formules. Ta gouaille de titi parisien et ton sens de l’humour donnaient de la saveur à ton discours lorsque tu développais des analyses souvent très judicieuses et toujours écoutées avec beaucoup d’attention de notre part.

Parmi toutes les actions auxquelles tu as participé dans ces dernières années, nous voulons en évoquer tout spécialement deux d’entre elles. La première c’est celle que tu as menée et que nous sommes venus soutenir ici, dans ton quartier de St Jouin, quand tu as contesté la décision de la municipalité de Mauléon de ne plus ramasser les poubelles en porte-à-porte. Tout de suite tu as vu qu’il s’agissait de la démolition d’un service public et tu as su convaincre tes voisins et les habitants du quartier qu’ils ne devaient pas se laisser déposséder d’un droit acquis. Et tous ensemble nous avons gagné !

La seconde, c’est l’an dernier. En 2023, l’UL-CGT du Bocage a organisé 14 manifestations pour refuser la contre-réforme des retraites, rassemblant à chaque fois jusqu’à des milliers de participants.

A 84 ans tu étais toujours là. Tes jambes et tes pieds te portaient de plus en plus difficilement, mais tu te retrouvais toujours en tête de cortège, dans la cabine du camion ou du tracteur qui ouvraient le défilé avec la sono et les banderoles. Par la vitre tu saluais les manifestants avec ta casquette. Tu n’as jamais cessé de nous regonfler le moral. Chapeau bas Michel !

Ton départ ce matin, Michel, nous rend triste. Il nous rappelle que nous sommes tous mortels, mais en même temps il nous fait éprouver le désir de durer à travers les autres dont nous voulons être solidaires, à travers les projets que nous concevons ensemble, à travers les oeuvres que nous entreprenons. La vie et la mort, loin de s’exclure, ne prennent du sens que l’une par rapport à l’autre ; et les témoignages des hommes et des femmes les plus remarquables nous autorisent à dire que ce sont précisément les êtres humains dont l’existence fut la mieux remplie qui, souvent, le moment venu acceptent la mort avec le plus de sérénité.

Tout cela, Michel, aujourd’hui tu nous aides à le comprendre ! Nous, les militants de la CGT, avec tous les adhérents et les sympathisants que tu as côtoyés, et qui ont eu la chance de te connaître, nous tenons à te rendre hommage en reprenant à notre compte une formule de Jean Jaures pleine d’espoir : « Ni regret pour le passé, ni remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l’avenir »

Elie, Marc, Jean-Maurice, Pascal, Gilles, Marie, tes camarades.
Au nom de tous les membres de l’UL-CGT du Bocage Bressuirais.