Le projet de loi “lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques” vise notamment à généraliser le testing (individuel ou statistique) par la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH) sous l’autorité de la 1ère ministre qui sera chargé d’œuvrer à la prévention et correction des situations de discrimination.
La loi propose un versant de « name and shame » des employeurs identifiés comme discriminants, avec une possible sanction financière dans certains cas.
Plus précisément, deux types de tests sont visés par la proposition de loi :
Le test statistique : il consiste à soumettre à des employeurs un nombre important de candidatures similaires avec comme seule différence un critère de discrimination. Ce type de test ne peut être mobilisé à titre de preuve dans un contentieux discriminatoire parce qu’il repose sur des candidatures fictives. En revanche, les noms des employeurs dont la pratique discriminatoire a été révélée peuvent être publiés après consultation et avis du défenseur des Droits.
Le test individuel permet, quant à lui, de « mettre en évidence une discrimination subie par une personne réelle, en adressant une candidature similaire à la sienne, mais dépourvue du critère de discrimination ». Déjà admis par le Code pénal, il peut être mobilisé dans le contentieux et ouvrir droit à la réparation d’un préjudice résultant d’une discrimination. L’exposé des motifs insiste sur le fait que ces tests de discrimination « ne reposent nullement sur la collecte systématique de données individuelles ». Ainsi, ils se distinguent de la collecte de « statistiques ethniques » qui est en principe interdite en France.
Pour la CGT, ce projet de Loi comporte plusieurs lacunes et reste insuffisant.
Si la CGT est favorable à la multiplication des testing, c’est à la condition que les syndicats y soient aussi concrètement associés.
Les testings à l’embauche restent néanmoins insuffisants pour combattre les discriminations à l’embauche. Il faut donc instaurer un registre des embauches et des candidatures accessibles aux syndicats et instances représentatives du personnel et donner des heures de délégations supplémentaires aux instances représentatives du personnel pour vérifier ce registre.
Concernant le service qui doit s’occuper de l’application des testing, il est question que ce soit la DILCRAH, rattachée à la Première ministre. Ces missions auraient pu être confiées à un organisme plus impartial et indépendant comme la défenseur des droits en collaboration avec les syndicats représentatifs au niveau national.
Concernant les sanctions, le name and shame n’est pas suffisant, les employeurs ayant une bonne communication s’en sortent souvent indemnes, sans réel boycott.
Sans contraintes réelles, les employeurs ne règlent pas les problèmes de discriminations systémiques.
L’amende apparaît comme très peu dissuasive, la discrimination peut être quantifiée et budgétisée par l’employeur. Ainsi, les employeurs continuent leurs discriminations et dans certains cas les plans d’action unilatéraux aboutissent à des mesures uniquement cosmétiques.
Il se pose aussi la question du contrôle et de la sanction effective des employeurs. Les services du ministère du travail de l’inspection du travail étant déjà exsangues, il est très probable que les entreprises ne soient effectivement que très peu sanctionnées.
Les propositions CGT pour lutter contre les discriminations à l’embauche
Aussi, la CGT porte des revendications concernant la formation obligatoire de l’ensemble des travailleurs et travailleuses y compris des services RH pour lutter contre les stéréotypes et les discriminations.
Bien que le CV anonyme ait des effets limités, il serait intéressant de l’utiliser dans la première phase des recrutements.
Il serait bienvenu de pouvoir organiser des testings à la demande directe des syndicats du lieu de travail et de branche. En cas de testing faisant apparaître des discriminations, il est nécessaire d’inclure les instances représentatives du personnel et les organisations syndicales dans un plan de lutte contre les discriminations à l’embauche et de donner des moyens humains et des heure de délégations supplémentaires aux représentants du personnel pour travailler sur ces sujets. Moyens indispensables pour que les organisations syndicales puissent élaborer des objectifs concrets à atteindre.
Enfin, la CGT restera vigilante sur les tests statistiques que la Dilcrah pourrait sous-traiter à des associations, cabinets d’avocats, entreprises spécialisées dans les testings. Tout d’abord parce qu’un testing sur un critère de discrimination financé par de l’argent public coûte en moyenne 100 000 euros, et que de plus, les données recueillies par des acteurs autres que la dilcrah peuvent être très sensibles, et ne doivent surtout pas aboutir à des statistiques ethniques.