Présenté le 28 octobre dernier au gouvernement, le rapport annuel sur l’état de la France (RAEF) du Comité économique, social et environnemental (Cese) avait cette année la particularité d’être rapporté par une cégétiste : Fabienne Rouchy, membre de la commission économie et finance du Cese, et présidente du groupe CGT.
S’appuyant sur un sondage Cese-Ipsos, 9 analyses de politiques publiques et 16 indicateurs socioéconomiques, le RAEF livre un constat sans appel : l’égalité des chances, idéal qui sous-tend les politiques publiques dont l’objectif est la réduction des inégalités, est une promesse non tenue.
L’égalité des chances est un mythe
Le rapport met notamment en lumière :
- un pessimisme grandissant de la population ;
- un déterminisme social toujours à l’œuvre, notamment pour l’accès à l’éducation, faisant qu’il faut en moyenne six générations pour espérer rejoindre la classe moyenne quand on vient d’un milieu populaire ;
- d’importantes inégalités entre les femmes et les hommes, le salaire des femmes étant inférieur de 14 % à celui des hommes – 23,5 % en se basant sur le revenu salarial moyen dans le privé ;
- de fortes disparités entre les territoires : dans les régions industrielles sinistrées, les zones rurales et les Outre-mer, l’accès à l’emploi, aux services publics, à la santé et à la formation devient un parcours du combattant.
Des propositions ambitieuses
Le rapport ne se contente pas d’établir un constat, il est également force de propositions, réparties en 5 axes :
- Le Patrimoine
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Le constat :
Les 10 % des ménages les plus riches détiennent 60 % du patrimoine net. La part de la fortune héritée dans le patrimoine total des ménages n’a jamais été plus élevée (60 %) freinant considérablement la mobilité sociale : les inégalités se transmettent de génération en génération. La hausse des prix de l’immobilier et les récentes réformes fiscales ont bénéficié aux 1 % les plus aisé·es.
Les propositions du Cese :
- plus grande progressivité de la fiscalité du patrimoine ;
- meilleure organisation du débat et de la délibération avec l’ensemble des parties prenantes afin de faire aboutir concrètement ces réformes.
- L’éducation
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Le constat :
10 % d’une cohorte sortent chaque année du système scolaire sans diplôme. Cette proportion est 5 fois plus élevée chez les enfants d’ouvrier·es que chez ceux de cadres. Or le diplôme est un déterminant majeur des trajectoires de vie.
Les propositions du Cese :
- réduction du nombre d’élèves par classe ;
- lutte contre le décrochage scolaire ;
- renforcement de l’accès aux soins et à l’accompagnement social et psychique des élèves ;
- meilleure valorisation des compétences acquises.
- Le monde du travail
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Le constat :
1Les opportunités d’accès à l’emploi sont inégales à travers les territoires : le nord et l’est de la France représentent 78 % des pertes d’emplois industriels. Les fermetures d’usines entraînent un effet domino sur tout l’écosystème économique local qui pèse sur les opportunités de formation et d’emploi.
Les propositions du Cese :
- stratégie industrielle coordonnée entre l’État, les filières et les collectivités ;
- renforcement des formations répondant aux besoins des entreprises
- revalorisation des métiers à prédominance féminine ;
- suivi rigoureux des aides publiques pour garantir qu’elles favorisent l’emploi et la réduction des inégalités.
- La transition écologique
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Le constat :
12 millions de personnes étaient en situation de précarité énergétique en 2022. Dans les zones rurales, la dépendance à la voiture reste forte tandis que les alternatives durables et abordables restent insuffisantes. Les inégalités face aux catastrophes naturelles, conséquences du changement climatique, sont un sujet de préoccupation croissant, le système assurantiel sous tension menaçant de réduire la couverture des risques.
Les propositions du Cese :
- budget et moyens suffisants en appui aux territoires et acteurs économiques ;
- aides financières ciblées vers les plus modestes ;
- développement des mobilités durables dans tous les territoires ;
- associer les citoyens à la transition pour éviter les exclusions.
- Les inégalités territoriales
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Le constat :
Elles compromettent fortement l’égalité des chances, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les zones rurales et les Outre-mer où l’accès au logement, à la santé, à l’éducation, aux mobilités et aux infrastructures reste insuffisant. À cela s’ajoutent les moindres opportunités d’accès à l’emploi. Dans ces territoires, ce sont surtout les jeunes qui sont frappés par l’absence d’égalité des chances et d’opportunités économiques.
Les propositions du Cese :
- renforcement des services publics dans les territoires ;
- construction d’une véritable politique d’égalité républicaine ;
- garantie d’un socle commun de droits sociaux sur l’ensemble du territoire en corrélation avec les besoins de la population.
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L’égalité ne doit pas rester un mythe
Dans leur déclaration commune sur le rapport, les groupes Alternatives sociales et écologiques et CGT – qui ont voté en faveur du RAEF – appellent « à une politique d’égalité réelle », fondée sur :
- des services publics renforcés, en particulier dans l’éducation qui cristallise beaucoup d’attentes, et planifiés selon les besoins de la population ;
- une réindustrialisation écologique et solidaire, coordonnée entre l’État et les filières, les collectivités et les chambres consulaires, créatrice d’emplois stables de qualité et de savoir-faire ;
- une répartition juste des richesses, en s’attaquant enfin aux inégalités patrimoniales et salariales ;
- une réelle démocratie qui s’appuie sur le respect des expressions citoyennes et de la société civile organisée.
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