Les plus vulnérables premières victimes
Année blanche, gel du barème de l’impôt sur le revenu, gel des prestations sociales et des pensions de retraites… « Plusieurs mesures seraient susceptibles d’affecter encore plus les conditions de vie des personnes les plus vulnérables, qui ne cessent de se détériorer depuis plusieurs années » alerte Dominique Vienne, représentant d’ATD quart-monde. Les chiffres sont sans appel :
- RSA maintenu à 636 euros pour une personne seule, alors que le seuil de pauvreté est de 1 288 euros par mois ;
- plus 2 milliards d’euros de ponction sur les organismes d’HLM en 2026, alors que 2,6 millions de ménages sont en attente d’un logement social et que la production de logements sociaux a chuté de 30 % depuis 2019 ;
- baisse des crédits d’accompagnement des allocataires sociaux·les obligé·es de s’inscrire à France Travail, rendant impossible un accompagnement de qualité
- baisse des crédits de formation et de l’insertion par l’activité économique…
Le budget 2026 « ne comporte aucune évaluation de l’impact social de ces mesures sur l’objectif de réduction de la pauvreté, alors que la France s’est engagée à plusieurs reprise à cette réduction, et qu’elle a même signé en 2015 les objectifs de développement durable, dont le premier concerne, je cite : “L’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes à l’horizon 2030”. On en est bien loin » déplore Dominique Vienne.
Les femmes encore lésées
Huit ans après #MeToo, les demandes de femmes qui s’adressent aux centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) augmentent considérablement, et pourtant les moyens ne cessent de diminuer. « En 2025, le réseau des CIDFF a enregistré une baisse cumulée de subventions de 2 millions d’euros. […] Nous nous retrouvons à devoir refuser et fermer les portes face aux femmes qui sont dans des situations dsouvent de très grave danger » alerte Clémence Pajot, directrice générale de la Fédération nationale des CIDFF.
Le manque de moyens a des conséquences directes sur les structures :
- un quart des CIDFF ont dû fermer des permanences ;
- ces fermetures ont lieu principalement en milieu rural, où le nombre de féminicides est le plus important ;
- plus d’une cinquantaine de postes ont été supprimés dans les CIDFF depuis le début de l’année 2025.
Au-delà des salarié·es des associations (principalement des femmes) qui sont frappées de plein fouet par ces coupes budgétaires, les conséquences les plus graves sont pour les femmes qu’elles reçoivent. « La semaine dernière, 4 femmes ont été tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint. Réduire les moyens des associations qui luttent contre les violences et qui accompagnent les victimes, ainsi que ceux destinés à la prévention, c’est un pari perdant » prévient Clémence Pajot.
Cet affaiblissement du milieu associatif d’accompagnement des femmes à l’heure où les mouvements réactionnaires, financés par des milliardaires partageant leurs idées, se renforcent de plus en plus, en France et dans le monde. « Quand vous défendez l’avortement, l’éducation et la sexualité, le droit des personnes LGBT, vous êtes forcément attaqué·es, vous êtes forcément menacé·es, mais là, aujourd’hui, nous avons vraiment des menaces importantes » alerte Sarah Durocher, présidente du Planning familial.
Et les pouvoirs publics n’aident pas, bien au contraire : « Aujourd’hui, parce que le planning prend des positions sur des sujets, on est en train de nous enlever des financements. […] On nous parle de neutralité, j’aimerais bien savoir qui définit la neutralité. » ajoute Sarah Durocher, qui conclut : « Ce budget montre un certain mépris [envers les associations], c’est pour ça que le planning participe à cette conférence de presse et sera dans la rue le 2 décembre. »
Tout le monde associatif est attaqué
Déjà profondément affaiblies par le budget 2025 (baisse de financement pour une association sur deux), les associations seront profondément impactées par le budget 2026. « Le budget jeunesse via associative enregistre une diminution de 26 %, passant de 848 millions à 626. Le service civique perd 115 millions d’euros » chiffre Yannick Hervé, du Mouvement associatif. « La vie associative […] ne peut pas être considérée comme une variable d’ajustement budgétaire. Elle est un investissement social, démocratique, humain. La fragiliser, c’est fragiliser la société tout entière. »
La santé mise à mal
Le budget 2026 prévoit une augmentation de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) de 1,6 %, ce qui est insuffisant pour couvrir les besoins de santé croissants de la population. « Pour tenir cet objectif irréaliste, c’est 7 milliards d’euros d’économies qui seront imposées. Cela veut dire des fermetures de lits, des services sous-dotés, du personnel épuisé et des patient·es renvoyé·es vers elles et eux-mêmes » alerte Sylvie Benjaber, présidente de la Mutuelle familiale.
Les premières victimes seront les patient·es, notamment les plus modestes :
- doublement voire création des franchises sur les soins dentaires et les transports médicaux ;
- hausse des plafonds jusqu’à 350 euros par personne et par an ;
- 400 millions d’euros de transfert vers les complémentaires, avec une potentielle augmentation du forfait hospitalier ;
- augmentation de la taxe sur les complémentaires de 14,7 % à 16,7 % – 1 milliard d’euros supplémentaires.
Ces mesures sont irresponsables, alors que 65 % des Français·es déclarent avoir renoncé à des soins en 2025.
« Il y a aussi les conséquences très lourdes de la réforme des retraites » ajoute Sylvie Benjaber. « Les impacts sanitaires ont commencé à être mesurés. C’est l’augmentation d’un an de l’âge moyen pour les entreprises qui entraîne + 10 % de sinistralité en prévoyance, plus d’arrêts de longue maladie, plus de décès prématuré. Le report de l’âge de départ n’est pas une mesure comptable neutre. C’est une mesure qui abîme la santé des travailleur·ses. »
La jeunesse sacrifiée
Le budget 2026 prévoit notamment :
- la suppression de 34 millions d’aides directes aux étudiant·es ;
- la baisse des aides directes sociales à destination des étudiant·es, notamment les APL – ce qui entraîne des difficultés supplémentaires pour se loger dans le parc locatif privé. Elles seraient même purement et simplement supprimées pour les étudiant·es étranger·es.
En revanche, rien sur les promesse de construction pour le Crous, alors que ce dernier subit un déficit dramatique de tout son réseau, que seuls 10 % des logements promis par Emmanuel Macron ont réellement été construits et que seul·es 6 % des étudiant·es y ont accès.
Par ailleurs, la réforme du système de bourse, qui n’a pas changé depuis près de soixante-dix ans, a encore été reportée cette année. « Pourtant, aujourd’hui, encore un·e étudiant·e sur deux saute un repas par jour par faute de moyens, et seulement un·e sur quatre est boursier·e » Déplore Ania Hamidi, secrétaire générale de l’Unef. « Un·e étudiant·e sur deux est obligé·e de se salarier à côté de ses étude – c’est la première cause d’échec à l’université. »
Les universités sont aussi la cible des attaques répétées du gouvernement, et le nombre de laces disponibles diminue d’année en année. « Des centaines de milliers de jeunes, cette année, se sont retrouvé·es sans fac et privé·es de leur plan d’avenir. Pire encore, certain·es sont obligé·es de se tourner vers des écoles privées dont les frais d’inscription sont exorbitants et les diplômes, pour certains, ne sont pas reconnus par l’État » alerte Ania Hamidi. « Les priorités du gouvernement sont claires pour nous : détourner les jeunes des études supérieures et les envoyer tout droit sur le marché du travail, sur lequel ils seront contraints d’accepter des emplois précaires. »
Les services publics en danger
Déjà mis à l’épreuve par des années de politiques d’austérité, les services publics subiraient une véritable saignée :
- plus de 4 000 postes supprimés dans l’éducation ;
- une création de postes d’AESH bien inférieure aux besoins (1 200, contre 2 000 en 2025, ce qui était déjà insuffisant) ;
- baisse de dotation pour la recherche, alors que le CRS souffre d’un déficit de 200 millions d’euros ;
- 5 000 emplois menacés dans l’enseignement supérieur.
Pour Caroline Chevet, secrétaire générale de la FSU, le budget 2026 avance à visage découvert : « C’est la réaffirmation de la politique de l’offre, l’assèchement des recettes fiscales, au point que les mesures nouvelles résultent toutes de redéploiements, notamment au détriment des services publics et des agent·es, comme d’ailleurs au détriment de la protection sociale. »
Le budget prévoit une nouvelle année de gel du point d’indice, qui a déjà subi un fort décrochage : « Pour exemple, on considère que dans la fonction publique de l’État, c’est une baisse de 100 euros de rémunération par mois depuis de nombreuses années, du fait de l’inflation » indique Caroline Chevet. « La rémunération des agent·es de la fonction publique, ça n’est pas que l’affaire de ces dernier·es, c’est l’affaire de toute la population, si elle veut avoir demain des services publics à la hauteur de [ses] besoins. »
Confirmation de la politique inégalitaire du gouvernement
Le gouvernement confirme sa politique de préservation des grandes entreprises et des ultra-riches, au détriment des plus vulnérables. « Sous prétexte de faire des économies pour maîtriser les dépenses publiques, le PLF et PLFSS proposent des plans d’austérité qui n’ont qu’une seule ligne directrice : faire payer la crise aux travailleur·ses, aux retraité·es, aux jeunes, aux plus précaires, aux privé·es d’emploi, aux étudiant·es, aux femmes » déclare Julie Ferrua, coporte-parole de Solidaires.
Pendant ce temps, les entreprises privées bénéficient de 210 milliards d’euros d’aides sans condition ni contrepartie, dont 80 milliards d’exonérations de cotisations. « L’argent existe : […] il est dans les caisses du patronat et dans les poches des actionnaires » conclut Julie Ferrua.
« Ce budget est une triple peine pour le monde du travail » ajoute Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT : « D’abord, les dépenses vont augmenter, notamment en matière de santé. […] Ensuite, les prestations sociales vont baisser parce qu’elles vont être gelées. […] Enfin, les salaires décrochent parce que dans le silence, le patronat en profite pour mettre toutes les NAO à zéro. »
Mobilisé·es le 2 décembre pour un budget de progrès social
Les organisations CGT appellent à une grande journée de mobilisation en grève et manifestation pour faire reculer le gouvernement et encourager les député·es à enterrer les « horreurs » de ce budget, en particuler :
- supprimer « l’année blanche », en réalité une année noire pour des millions de travailleur·ses, jeunes, privé·es d’emploi, retraité·es ;
- une hausse du financement de l’hôpital public ;
- la suppression du doublement des franchises et des participations médicales ;
- la suppression de la taxation d’1,1 milliard d’euros sur les mutuelles et complémentaires santé non lucratives ;
- la suppression de la limitation à quinze jours des arrêts maladies ;
- la non-taxation des activités sociales et culturelles, qui ne sont pas un complément de rémunération, mais un outil d’émancipation par la culture et par le sport ;
- l’annulation de la baisse du montant des allocations familiales pour les enfants de 14 à 18 ans ;
- le blocage, puis l’abrogation de la réforme des retraites.
Déjà 150 manifestations et rassemblements sont planifié·es dans tout le pays, avec des actions diverses qui vont être organisées dans les entreprises pour interpeller le patronat et obtenir l’ouverture de négociations sur les salaires dans toutes les entreprises et dans toutes les branches.
Pour un véritable budget de progrès social et des augmentations de salaires, tou·tes mobilisé·es le 2 décembre !
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