Budget Lecornu : un concentré de violence sociale

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Embourbé dans une crise démocratique qu’il a lui-même provoquée par son entêtement à faire passer des réformes toujours plus antisociales (notamment la réforme des retraites, contre l’avis de la population, de tous les syndicats et du parlement), Emmanuel Macron a été contraint de changer une nouvelle fois de premier ministre (le cinquième depuis le début du quinquennat). Un changement de casting n’implique pas un changement de politique, et le budget présenté par Sébastien Lecornu est dans la continuité de celui de François Bayrou : antisocial.
 

 

Retraites : un décalage plutôt qu’une suspension

Les mobilisations massives de 2023 et 2025 l’ont montré : la réforme des retraites est rejetée par une grande majorité de Français·es. Pour sauver sa place, Sébastien Lecornu a été contraint d’annoncer une « suspension » de la réforme des retraites – une première brèche dans ce qui était un véritable totem intouchable pour le président et ses gouvernements, à mettre à l’actif de la mobilisation des travailleur·ses.

Mais il ne faut pas se laisser berner : au delà des annonces, la proposition du premier ministre, en réalité plus un décalage qu’une réelle suspension, est loin d’être satisfaisante :

  • elle ne concerne que les générations de 1964 à 1968 ;
  • ces personnes ne partiraient que trois mois plus tôt que ce que prévoit la réforme (et non pas à 62 ans et 9 mois) ;
  • l’application de cette disposition entérinerait l’âge de départ à 64 ans ;
  • pire cette suspension ne concernerait même pas les carrières longues (celles et ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans).

Cette proposition est inacceptable. La seule vraie suspension, c’est le blocage immédiat de la réforme à 62 ans, 9 mois et 170 trimestres pour l’ensemble des générations, avant son abrogation pure et simple.

Pour financer le blocage (100 millions d’euros en 2026 et 4 milliards d’euros en 2030) puis l’abrogation (3,5 milliards d’euros en 2026 et 15 milliards d’euros en 2030), une multitude de dispositions peuvent être prises et notamment :

  • la suppression progressive des 80 milliards d’exonérations de cotisations sociales dont 5,5 milliards d’euros qui ne sont pas compensés par l’État et qui participent aux trappes à bas salaires ;
  • l’égalité de salaires femmes-hommes qui rapporterait au minimum 6 milliards d’euros par an pendant quarante ans ;
  • l’élargissement de l’assiette des cotisations pour y intégrer toutes les primes, l’intéressement et la participation (4,4 milliards d’euros) ;
  • l’augmentation du forfait social sur les dividendes (alignement sur les cotisations dites patronales 10 milliards d’euros minimum) ;
  • la lutte contre le travail illégal, qui fait perdre de 6 à 8 milliards d’euros de cotisations retraite.

Un budget encore plus brutal pour les plus vulnérables

Face à la mobilisation, le gouvernement a dû renoncer à la suppression de deux jours fériés. Mais cette proposition n’était que la pointe émergée de l’iceberg, et le budget de Sébastien Lecornu reste une charge antisociale sans précédent :

  • franchises et participations médicales (reste à charge sur les médicaments, rendez-vous médicaux, transports sanitaires…) passant de 100 euros à entre 250 et 350 euros par an et par personne, s’ajoutant à l’explosion des dépassements d’honoraires et du montant des complémentaires santé ;
  • gel des pensions, prestations sociales (allocations familiales, logement, adulte handicapé, RSA) et salaires des fonctionnaires, ce qui équivaut à une baisse compte tenu de l’inflation ;
  • baisse du budget des services publics et suppression de plus de 3 000 postes dans la fonction publique et les organismes de Sécurité sociale, alors que les hôpitaux, les écoles, les universités, les crèches… n’ont déjà pas les moyens de fonctionner correctement ;
  • maintien du projet de réforme de l’assurance chômage, visant à faire 3 milliards d’euros d’économies sur le dos des privé·es d’emploi.

En résumé : pour préserver les ultra-riches et les grandes entreprises (211 milliards d’euros par an d’aides publiques aux entreprises privées sans conditions ni contreparties), le gouvernement fait peser la quasi-totalité de l’effort budgétaire sur la population dont les plus vulnérables (personnes âgées, personnes en situation de handicap et/ou malades, petits salaires, privé·es d’emploi…), alors même que l’Insee alerte sur le niveau de pauvreté record en France !

Poursuivre la lutte

Si les grèves et manifestations de septembre et octobre ont réussi à contrecarrer le discours en apparence inébranlable du gouvernement et à ouvrir une première brèche, les travailleur·ses ne peuvent se contenter de ces annonces. La lutte doit se poursuivre jusqu’à l’abandon total de la réforme des retraite et l’envoi de ce budget de la honte à sa place : dans les oubliettes de l’histoire. 

Répondre à la crise qui frappe la France passe par la mise en œuvre de véritables mesures de progrès social et d’égalité :

  • la mise en place de dispositifs qui taxent les gros patrimoines et les très hauts revenus et qui contraignent le versement des dividendes ;
  • la conditionnalité des 211 milliards d’aides publiques aux entreprises privées ;
  • les moyens permettant aux services publics d’exercer correctement leurs missions ;
  • des mesures contre les licenciements et des investissements dans la réindustrialisation et la transition écologique ;
  • l’augmentation des salaires, des pensions et des minima sociaux

“Suspension” ou blocage de la retraite à 64 ans, quel impact pour vous ?

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