Alors que le gouvernement vante une nouvelle étape de simplification administrative pour les entreprises, le projet de loi actuellement débattu à l’Assemblée nationale cache mal une offensive contre les droits des salarié·es, la démocratie sociale et la protection de l’environnement. Décryptage d’une loi qui fait peser de lourdes menaces sur le monde du travail.
Des attaques en règle contre les droits des salarié·es
Derrière la « simplification », plusieurs mesures contenues dans ce texte s’en prennent directement au droit du travail et au fonctionnement démocratique des instances représentatives du personnel :
- possibilité de généralisation de la visioconférence pour les réunions du CSE, au détriment de la qualité des échanges en présentiel et du lien collectif, pourtant essentiels à une démocratie d’entreprise vivante ;
- suppression de l’agrément régional pour les organismes de formation syndicale, ouvrant la voie à une mise en concurrence et à une baisse de la qualité des formations pour les élu·es du personnel ;
- réduction du délai d’information des salarié·es en cas de cession d’entreprise, de deux mois à un seul. Cela affaiblit la capacité des salarié·es à se mobiliser pour des projets alternatifs de reprise, alors que la désindustrialisation s’accélère ;
- allègement de nombreuses procédures de déclaration et d’autorisation, avec pour conséquence une remise en cause de garanties en matière de santé, de droits collectifs et d’environnement.
Certain·es député·es de droite ont même tenté d’aller plus loin, avec des amendements – fort heureusement jugés irrecevables – visant à :
- réduire le nombre de CSE et de défenseur·ses syndicaux·les ;
- limiter à trois ou six mois le délai de recours devant les prud’hommes pour contester un licenciement ;
- supprimer l’exigence du consentement du ou de la salarié·e en cas de prêt de main-d’œuvre.
Moins d’instances, moins de démocratie sociale
Autre aspect alarmant du projet : la suppression de 25 comités, commissions et instances consultatives, parmi lesquels :
- la Commission nationale de conciliation des conflits collectifs de travail ;
- l’Observatoire national de la politique de la ville ;
- le Comité de suivi des mesures liées au Covid-19 ou à la guerre en Ukraine ;
- et surtout, la Commission du label diversité, un symbole alors que les discriminations au travail explosent.
Même si la mobilisation a permis le maintien de certaines instances clés où siège la CGT (conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, CNDP, Haut-Conseil de l’Assurance maladie…), la vigilance reste de mise. Le texte prévoit :
- la suppression automatique des instances n’ayant pas « justifié leur utilité » au bout de trois ans ;
- un principe de « deux suppressions pour une création » pour toute nouvelle instance ministérielle ;
- Une baisse continue des financements, comme c’est le cas pour l’Ires.
Un recul écologique préoccupant
En matière environnementale, le projet aggrave les dérégulations. en effet, il élargit les projets d’intérêt national majeur aux infrastructures routières et ferroviaires (autoroutes…), qui ne seront plus comptabilisés dans l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols. Une grave remise en cause des engagements climatiques et agricoles.
Plusieurs organismes chargés de l’évaluation environnementale et sanitaire sont supprimés :
- Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique ;
- Observatoire des espaces naturels et agricoles ;
- Commission sur les démantèlements nucléaires ;
- Commission sur la déontologie des alertes environnementales…
Une mobilisation syndicale large et unitaire
Face à cette offensive, sept organisations syndicales nationales (CGT, CFE-CGC, CFTC, FO, FSU, Solidaires, Unsa) ont publié le 7 avril un communiqué intersyndical appelant les parlementaires à rejeter les amendements les plus dangereux.
« Pour réduire les droits sociaux dans l’entreprise, on simplifie le Code du travail. Pour rendre illisible la solidarité à l’œuvre sur la fiche de paye, on la simplifie. Et pour capter toujours plus de richesses créées par les travailleur·ses, on simplifie la vie économique… »
Au nom de la simplification, c’est en réalité une mise en coupe réglée du droit du travail, des contre-pouvoirs démocratiques et de la transition écologique qui est à l’œuvre.