Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs n’ont de cesse de réformer les missions relatives à la protection de l’enfance
Alors que seul l’intérêt de l’enfant devrait être au cœur des débats et la primauté donnée à l’éducatif, alors que la part des délits commis par les mineur·es est passée de 22 % en 1998 à 12 % en 2023, ce texte est une nouvelle attaque socialement discriminante.
Ce texte comporte des mesures qui visent Ă :Â
- Condamner les parents dont les enfants ont commis des actes de délinquance,
- Juger les enfants comme des adultes en recourant Ă la comparution immĂ©diate pour les mineurs Ă partir de 15 ans, Â
- Davantage d’emprisonnement y compris des courtes peines,
- Une grave remise en cause du principe d’excuse de minoritĂ©.Â
La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNDCH) demande son retrait, car il remet Ă©galement en cause certains principes fondamentaux.  Il conduirait, selon la DĂ©fenseure des droits, « la France Ă rompre avec ses engagements et en particulier avec la Convention Internationale des droits de l’enfant ». Â
Dans les faits, cette proposition de loi rĂ©pressive est une rĂ©ponse inefficace Ă la mĂ©diatisation d’actes et faits divers dramatiques, malgrĂ© tout isolĂ©s, ou envie motivĂ©e par les rĂ©voltes urbaines de 2023.Â
Il est encore temps de revenir Ă la raison et de faire obstacle Ă ce projet sĂ©curitaire, inefficace et dangereuxÂ
Une mobilisation unitaire le 5 mai :Â
La CGT, avec le collectif Justice des enfants, (orgas et syndicats CGT, FSU, Union syndicale Solidaires, Ligue des droits de l’homme, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, Conseil national des barreaux, Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA), Barreau de Paris, Barreau de Seine-Saint-Denis) appelle toutes les organisations à organiser le 5/05 à 12h partout en France des rassemblements unitaires devant les palais de justice avec communiqué commun.
Le collectif met à disposition un argumentaire qui décrypte la loi et un flyer
Le groupe de travail confĂ©dĂ©ral composĂ© des organisations et syndicats concernĂ©s et la ConfĂ©dĂ©ration avec les mandaté·es CESE, CNCDH et Haut Conseil du Travail Social, a produit du matĂ©riel syndical pour informer et aller au dĂ©bat dans les entreprises, Ă©tablissements mais aussi avec les citoyen·es :Â
- Une tribune publiĂ©e dans l’HumanitĂ© : “justice des mineurs : pour un projet progressiste et humaniste“
- Ă€ venir un document de 4 pages CGT actualisĂ© Â
Quels enjeux revendicatifs ?Â
- L’atténuation de la responsabilité pénale des 16-18 ans, qui se traduira par l’emprisonnement d’enfants de plus en plus jeunes et va à l’encontre
- Du principe constitutionnel « d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge »
- Du maintien de la recherche de mesures adaptées « à leur âge et à leur personnalité ».
- La comparution immĂ©diate. Â
Contraire Ă la spĂ©cificitĂ© de la justice des mineur·es, elle aurait pour effet d’accĂ©lĂ©rer Ă nouveau les dĂ©lais de jugement, d’encombrer davantage encore les juridictions et d’allonger les listes de mesures en attente de prise en charge Ă la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Â
LĂ encore, cette loi fait peser le risque d’emprisonnement prĂ©coce pour les mineur·es. Des chercheur·ses ont montrĂ© que le risque de peine d’emprisonnement est 8 fois plus Ă©levĂ© dans le cadre d’une comparution immĂ©diate. Â
De plus, cela va Ă©galement Ă l’encontre des recommandations de la CGLPL (ContrĂ´leuse GĂ©nĂ©rale des lieux de Privation de libertĂ©) qui prĂ©conise « une baisse de recours Ă des procĂ©dures accĂ©lĂ©rĂ©es telles que la comparution immĂ©diate, principales pourvoyeuses d’incarcĂ©ration et en particulier de courtes peines » et fait le constat d’une « surreprĂ©sentation de populations marginalisĂ©es et fragilisĂ©es », notamment d’hommes jeunes et peu insĂ©rĂ©s, dont beaucoup sans logement et sans emploi.Â
- Le renforcement de la responsabilitĂ© des parents. Â
Cette double peine est un facteur d’aggravation des difficultĂ©s et des inĂ©galitĂ©s. La mise en place d’amendes civiles pour les parents qui ne se rendent pas aux convocations de la justice et « la responsabilitĂ© solidaire de plein droit des parents pour les dommages causĂ©s par leurs enfants » ne règleront rien. Â
A l’opposĂ© du tout rĂ©pressif, c’est par l’accompagnement et le soutien des familles que peut se gagner l’implication des parents. Mais lĂ encore, la DĂ©fenseure des droits rappelle que cela suppose un renforcement « de l’Éducation nationale, du secteur de la santĂ© et du mĂ©dico-social, de la protection de l’enfance ou encore de la justice, notamment de la protection judiciaire de la jeunesse, seule Ă mĂŞme de restaurer l’autoritĂ© de la justice ».Â
- L’enfermement des mineur·esÂ
L’observatoire international des prisons rappelle que l’emprisonnement des mineur·es « ne fait qu’accentuer leur marginalisation et renforcer les trajectoires dĂ©lictuelles, au lieu de leur offrir une chance de rĂ©insertion ». Â
Les centres Ă©ducatifs fermĂ©s, dont le SĂ©nat et la Cour des Comptes s’accordent Ă dire coĂ»teux et inefficaces, en sont d’ailleurs une malheureuse illustration. En contrepartie ce sont les Ă©tablissements de placements classiques (foyers, familles d’accueil) qui ont Ă©tĂ© fermĂ©s sur l’ensemble du territoire.Â
Cette politique annihile les solutions diversifiĂ©es en fonction des parcours et de la personnalitĂ© des jeunes, se centrant sur l’acte et la rĂ©ponse pĂ©nale comme unique crĂ©do. Â
Les hĂ©bergements de la PJJ qui restent tournent Ă plein rĂ©gime Ă grand renfort de contractuel·les, avec des conditions d’accueil qui rĂ©gressent et des conditions de travail qui se dĂ©gradent.Â
- Les moyens Â
Ce projet de loi est dĂ©connectĂ© de la rĂ©alitĂ© et ne rĂ©pond Ă aucun besoin. Le cadre lĂ©gislatif actuel est suffisant. Ce sont les moyens qui font cruellement dĂ©faut ! La justice est le parent pauvre de l’Etat et du service public : il manque par exemple 180 postes Ă la Protection de la Jeunesse pour rĂ©pondre aux 4300 mesures en souffrance ! Â
Des moyens sont Ă©galement nĂ©cessaires pour les services de l’Aide Sociale Ă l’Enfance pour mettre un terme Ă la surexposition Ă la prĂ©caritĂ©, la maladie et la dĂ©linquance que connaissent les mineur·es et jeunes majeur·es relevant de l’Aide Sociale Ă l’Enfance et Ă©viter de trop nombreux drames. Â
Si les lois en protection de l’enfance, dans leur essence, sont axĂ©es sur la prĂ©vention et qu’elles remettent l’enfant au cĹ“ur du système, ces lois sont restĂ©es des vĹ“ux pieux par manque d’ambition politique et d’une rĂ©elle volontĂ© politique nationale. Â
Le désintérêt de l’État pour mener une politique en protection de l’enfance sur tout le territoire est confirmé une fois de plus par la commission de l’Assemblée nationale.
Aujourd’hui, le secteur s’effondre, des jeunes meurent alors qu’ils sont sous la responsabilitĂ© du dĂ©partement, de l’État, abandonnĂ©s dans des chambres d’hĂ´tel, laissĂ©s Ă la portĂ©e des rĂ©seaux mafieux.Â
Les professionnel·les, avec la CGT, dĂ©noncent ces situations depuis plus de 10 ans sans ĂŞtre entendu·es malgrĂ© les interpellations au plus haut niveau :Â
- Des mesures Ă©ducatives avec des interventions rĂ©gulières auprès des enfants et de leur famille, inefficaces en raison d’un nombre de suivis de jeunes trop important par Ă©ducateur·trice, Â
- Des structures d’accueil surchargĂ©es, Â
- Des décisions judiciaires de protection éducative (suivi éducatif par une équipe de professionnel·les (Éducateur-trice spécialisé·e, psychologue…)
- Des dĂ©cisions de placements inappliquĂ©es par manque de places en structures ou en mesure Ă©ducative prĂ©ventive, Â
- 30 000 postes vacants, embauche de personnes non diplĂ´mĂ©es, Â
- L’inadaptation des diplĂ´mes existants, Â
- L’absence de contrĂ´les, des Ă©tablissements pas toujours habilitĂ©s, Â
- Les violences… Â
Les modifications lĂ©gislatives successives n’ont fait que poser davantage de difficultĂ©s par l’absence de moyens budgĂ©taires et humains octroyĂ©s au secteur et ont mis Ă mal l’accompagnement des enfants, des adolescent·es et de leurs familles.Â
Cela fait plus de 10 ans que la CGT interpelle les diffĂ©rents ministres en charge du dossier de l’ASE pour dĂ©noncer l’absence d’une rĂ©elle politique nationale ainsi que la fragmentation des territoires qui entraĂ®nent des dysfonctionnements graves dont l’État, par son immobilisme est responsable.Â
De nombreux rapports successifs sont plus alarmants les uns que les autres (IGAS – CESE – Cour des Comptes, et enfin celui de la commission d’enquĂŞte parlementaire sur les conditions d’accueil des enfants placĂ©s). Â
La CGT revendique de « renationaliser » la protection de l’enfance notamment quant Ă son financement et les orientations politiques publiques.Â
Le secteur connait une grave crise de recrutement mais aussi beaucoup de départs de salarié·es qui ne s’y retrouvent plus éthiquement. La question du sens au travail est clairement posée pour un grand nombre de professionnel·les. Les faibles salaires, les conditions de travail dégradées et l’absence de travail éthique, du sens donné à la mission, sont responsables de la désertion du secteur social.
Sources
- Le dossier législatif sur le site du Sénat
- La liste des amendements adoptés au Sénat
- Le rapport de Francis SZPINER « La position de la commission » : « une loi incantatoire à la plus-value douteuse »
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